Es. 56. 1 / Actes 7. 54 à 60 / Jean 16. 32 et 33
« Vous aurez des tribulations dans ce monde … »
L’histoire de notre monde est semée de violences, d’injustices, de guerres. Des populations ont été éradiquées, des innocents massacrés… Combien il est facile d’exacerber le mal, la haine de l’autre, par des systèmes totalitaires, des discours populistes, ou en instrumentalisant une religion. Au siècle dernier, profitant des troubles de la première guerre mondiale, c’est tout un peuple qui vivait en paix sur ses terres que l’on a essayé de rayer de l’histoire. C’était le 24 avril 1915, le gouvernement jeune turc, lançait un horrible plan de massacres de tout un peuple. Plus d’un million et demi d’Arméniens, mais aussi de Grecs, d’Assyro-Chaldéens, étaient sauvagement assassinés dans un empire ottoman en déroute. Nous sommes, pour beaucoup d’entres-nous, les descendants des quelques survivants de ces horreurs. Survivants grâce à Dieu, grâce aussi à la bienveillance de nombreuses missions chrétiennes, et de nombreux pays d’accueil comme la France. Plus de cent ans après, que penser de tout ceci ? Quelles réponses trouver à toutes nos interrogations ?
1°) « Vous aurez des tribulations dans ce monde … »
Tout d’abord, nous avons cette parole de Jésus à ses disciples. Parole qui nous rappelle qu’en ce monde, il y a eu et il y aura toujours toutes sortes d’injustices, de souffrances, de violences. Violences, jusqu’à nos portes dernièrement encore avec l’assassinat horrible de cette policière hier à Rambouillet. Et nous voulons avoir une pensée pour sa famille ce matin. La parole de Jésus concerne particulièrement ses disciples, et par delà, l’ensemble des chrétiens. C’est à nous chrétiens qu’il adresse ces paroles, afin que nous ne soyons pas déstabilisés dans notre foi à l’heure de la souffrance. Les tribulations que Jésus annonce ont de multiples visages. Elles sont parfois intérieures et sournoises, parfois plus visible et violente, jusqu’à la mise à mort avec Etienne, premier martyr de l’Eglise. Depuis ce jour, malheureusement, la liste des martyrs n’a cessé de s’allonger. Le Génocide des Arméniens s’inscrit lui aussi dans cette liste. Et nous ne devons pas oublier aujourd’hui dans nos prières les chrétiens persécutés, qui pratiquent leur foi au risque de leur vie, ne pas oublier leurs familles. Ils sont nombreux aujourd’hui dans le monde, ne les oublions pas.
Quant à nous, cette parole de Jésus nous aide à comprendre pourquoi du Génocide ; pourquoi les difficultés, les souffrances, les injustices que nous subissons parfois. Parce que la vérité dérange le mensonge, comme la lumière dérange les ténèbres. La lumière du Christ dérange les ténèbres du monde et déchaine son hostilité, sa haine et sa violence à l’encontre des chrétiens. C’est ce qui s’est passé en 1915 pour notre peuple, premier état chrétien au monde.
2°) « Recherchez la justice… »
Face à l’injustice, aux souffrances injustes, à la méchanceté humaine, faut-il se révolter ou se résigner ? La question a toujours fait débat chez les chrétiens. Entre l’exigence chrétienne d’aimer ceux qui nous maltraitent, le refus de vengeance, et le désir de vérité et de justice, comment se positionner ? Y a-t-il une voie entre révolte violente et résignation ? Il semble que oui ! C’est la voie que le Christ a lui-même emprunté, celle de la vérité et de la justice conjuguée à l’amour. Certes, c’est une voie étroite, difficile, mais la seule qui permet d’éviter les pièges de la violence ou de la résignation. C’est elle que nous devons emprunter chaque fois, quelles que soient les situations que nous rencontrons. C’est le chemin emprunté par Etienne lors de son martyr. Alors qu’il est injustement accusé et jugé, et que ses bourreaux vont le lapider, Etienne dénonce le mal, l’injustice, la violence, le péché de ceux qui le mettent à mort, tout en demandant à Dieu de leur pardonner.
Dans le cas du Génocide des Arméniens, cela veut dire réclamer justice, reconnaissance et réparation, sans haine, sans désir de vengeance, simplement avec amour, par souci de vérité et de justice. Cette démarche est dans l’intérêt de tous, des victimes comme des bourreaux. La haine et la violence ne génèrent que haine et violence. Le silence quant à lui, ne guérit pas la blessure et devient à son tour source d’injustice et de nouvelles violences. Nous ne pouvons qu’être reconnaissants à la France, à plusieurs pays, et dernièrement aux Président des Etats Unis d’Amérique, Jo Biden, d’avoir reconnu que les événements de 1915 constituaient bien un Génocide à l’encontre des Arméniens.
3°) « Il vit la gloire de Dieu… »
Face à ces questions délicates des injustices, difficiles parfois à accepter, nous avons certes, la prière et le secours de l’Esprit Saint. Mais nous avons aussi une espérance. Celle qu’Etienne, premier martyr de l’église, a vue au soir de sa vie : la gloire de Dieu, le Christ ressuscité, la réalité de la vie éternelle et de la justice de Dieu qui se révélera un jour. Quelle vision grandiose, rassurante, pleine d’espérance ! La gloire de Dieu et le Christ debout à la droite de Dieu. Au sein de nos souffrances, des injustices, au sein de tous nos questionnements, soyons nous aussi, comme Etienne, rempli d’Esprit Saint, et fixons nos regards vers le ciel. Fixons nos regards vers l’espérance de la vie éternelle, vers ce monde nouveau, où la justice habitera. Où il n’y aura plus de guerres, plus de Génocides, plus d’atrocités, plus d’injustices, plus de souffrances, méchanceté, de violence, de meurtre.
Aujourd’hui, notre monde s’agite, des nations se font la guerre, guerre militaire ou économique. Terrorisme, populisme, violence, haine, injustices envahissent notre monde, souvent en toute impunité. Mais ne nous décourageons pas, ne baisons pas les bras. Dans l’attente du monde nouveau, c’est ce monde qu’il nous faut continuer à éclairer de la lumière du Christ, de l’amour de Dieu, de la vérité, de la justice et de l’espérance que nous avons trouvé en Jésus.
Conclusion :
« Vous aurez des tribulations dans le monde, mais prenez courage, j’ai vaincu le monde »
Oui, courage dit Jésus, j’ai vaincu le monde. Les Arméniens du Haut Karabakh et d’Arménie ont vécu des jours sombres à nouveau ces derniers mois. Ils ont dû courageusement faire face au risque d’un nouveau Génocide. Hier devant le mémorial de Komitas à Paris, la France, à travers ses représentants a pris plusieurs engagements en faveur de l’Arménie et de la république du Haut Karabakh. Nous les remercions pour cela et nous prions que ces engagements se traduisent en actions concrètes.
Continuons courageusement notre combat. Soyons persuadés que celui qui aura le dernier mot de l’histoire, de toute l’histoire, c’est le Seigneur, le juste juge, Celui qui un jour fera justice à tous. C’est avec cette foi que nous devons continuer ce combat et éclairer ce monde de la lumière du Christ.
Pasteur Joël Mikaélian 25/04/2021