Ez 17. 22 à 24 / Marc 4. 26 à 32 / 2 Cor 5. 6 à 10

« Qu’il dorme ou qu’il veille… » Le royaume de Dieu, éloge de la paresse ou éloge de la foi ?

Avouons que ces paraboles de Jésus sur le royaume de Dieu sont à la fois encourageantes et déroutantes. Encourageante par cette référence à la nature qui montre que la terre produit d’elle-même du fruit à partir d’une semence. Qu’il y a quelque chose de miraculeux dans la croissance du royaume de Dieu, qui ne dépend pas de l’intervention humaine :« Qu’il dorme ou qu’il veille… la semence germe et grandit… ». Dieu fait croître ! C’est encourageant ! C’est encourageant aussi de voir la croissance phénoménale du grain de moutarde ! Le texte d’Ezéchiel aussi va dans ce sens. Mais ces paroles peuvent être déroutantes par la façon dont elles relativisent l’action humaine, dans le processus de croissance du royaume de Dieu. Au point, peut être, d’encourager la paresse ! Et on pourrait se dire : « A quoi cela sert-il de témoigner, de se donner de la peine pour servir,… si de toutes façons, c’est Dieu qui fait tout, et si nous n’avons pas de part dans tout ça ? Comment comprendre ces textes et le sens de notre service, de notre témoignage ?

1°) « Moi, je prends à la pointe du cèdre, et je plante… »

Chez Ezéchiel, Dieu se présente comme celui qui plante et qui fait croître ce qu’il plante. Le texte est en partie repris par Jésus avec la parabole du grain de moutarde de Jésus. Chez Ezéchiel, Dieu a toutes les initiatives. Il fait ce qu’il veut, il élève, il abaisse, dessèche ou fait fleurir… Une telle volonté d’action positive ne peut que nous encourager et nous réjouir. Mais elle peut aussi nous démobiliser dans notre témoignage, notre service, notre engagement.

De tout temps, l’Eglise a eu du mal à se situer entre ces deux écueils que sont la « passivité », ou la « contemplation », et « l’activisme ». (Je mets les guillemets car il y a bien sûr des nuances dans ces extrêmes, entre les « contemplatifs » et les « activistes »). D’un côté, il y a cette tendance à mettre en avant l’intervention divine, et à relativiser l’intervention humaine, jusqu’à mettre plus ou moins de côté la nécessité du témoignage, du ministère d’évangélisation. Et de conclure que l’Eglise n’a finalement d’autre mission dans le monde que de louer et d’adorer Dieu. Ce qui va dans le sens du texte d’Ezéchiel et de la parabole de la semence. (On retrouve plutôt cette tendance dans les églises historiques, traditionnelles, avec un accent social, humanitaire, sans trop d’annonce de l’évangile). Et de l’autre côté, il y a ceux qui personnalisent à outrance l’évangélisation, la nécessité de l’annonce de l’évangile, au point de se croire auteur et acteur de la croissance du royaume de Dieu, de se penser indispensable. Ce qui semble aller à l’encontre de ces textes. (On retrouve plutôt cette tendance dans les églises évangéliques).

Comment se situer ? Comment concilier ces choses ? Comment les comprendre et les inscrire dans nos vies chrétiennes et dans la vie de notre église ? Faut-il être « contemplatif » ou « activiste » ?

2°) J’ai planté, Apollos a arrosé… »

Dans sa première lettre aux Corinthiens, l’apôtre Paul utilise la même métaphore tout en apportant un éclairage plus précis. Parlant de lui ettt de son ministère d’évangéliste, il écrit : « J’ai planté, Apollos a arrosé…  » (1 Cor 3. 5 à 9). Il faut planter, arroser ! Il n’y a pas de croissance possible sans qu’il y ait, semence et arrosage. Mais il rajoute immédiatement après : « C’est Dieu qui fait croître… ». Il s’agit ici de mettre chacun à sa place. Il est vrai, qu’on ne peut occulter toutes les exhortations à l’évangélisation, au témoignage, que nous trouvons dans les paroles de Jésus et des apôtres. Elles doivent avoir chacune leur place dans nos réflexions et dans nos vies d’églises. Il n’est pas question ici de faire l’éloge de la paresse, loin de là ! C’est que d’un côté, il y a la nécessité de planter, d’arroser, de servir, de témoigner… Et de l’autre côté, il y a l’intervention de Dieu qui fait croître. Parfois c’est Dieu qui plante, parfois le chrétien. Mais ce qu’il faut retenir et souligner, c’est qu’il y a quelque chose de surnaturel dans la croissance du royaume de Dieu, quelque chose que l’homme ne peut pas maîtriser. Il y a quelque chose de surnaturel dans la vie et la croissance spirituelle des chrétiens et de l’église. Quelque chose de mystérieux qui s’appelle l’intervention de Dieu, la grâce de Dieu, la puissance de Dieu à travers l’action de l’Esprit Saint. « Qu’il dorme ou qu’il veille… » Notre part est certes d’évangéliser, de semer l’évangile, d’utiliser l’intelligence spirituelle que Dieu nous donne, les dons spirituels. Notre part est de travailler ensemble, dans la prière, de tenir compte des évolutions du monde et des modes de vies, des nouveaux défis… Sans oublier que « c’est Dieu qui fait croître ». Il faut des Paul, des Apollos… mais c’est Dieu qui fait croître. Ce qui veut dire qu’il faut planter et arroser avec humilité et avec foi. Il faut avoir foi dans la puissance de Dieu qui fait croître. Et non pas en nous même, dans nos capacités. Il faut planter et arroser en priant, ensemble, dans l’unité, dans l’amour. Evangéliser avec humilité, foi, enthousiasme, espérance et patience. Jésus souligne un facteur temps à ne pas négliger. « Premièrement l’herbe, ensuite l’épi, et puis le plein froment… ». Il nous faut avoir à cœur ce monde qui se perd, et pas seulement notre bien être spirituel. C’est un point de vigilance que l’Eglise doit toujours avoir. Le texte de la seconde épître aux Corinthiens que nous avons lu nous rappelle que « nous devrons tous nous présenter devant le Christ, pour recevoir le prix de ce que nous auront fait durant notre vie, soit en bien, soit en mal ».

3°) « C’est comme une graine de moutarde… »

Dernière chose que la parabole du grain de moutarde nous rappelle : Le royaume de Dieu est comme quelque chose de petit, d’insignifiant, qui devient grand mystérieusement. C’est en effet un réel mystère qu’une petite graine puisse devenir un arbre. C’est le mystère de la vie qu’aucun scientifique n’est à même d’expliquer vraiment. C’est Dieu qui a fait cela et qui le fait fonctionner. Et Jésus nous dit qu’il en est de même dans le domaine spirituel. Que Dieu fait lui-même grandir ces petites graines que l’on sème ; graines d’amour, de bienveillance, de témoignage du salut en Jésus, graines de prières, graines de service… et Dieu les fait croître, et même de façon extraordinaire. A nous de les semer avec foi, humilité, patience, espérance, afin que le royaume de Dieu grandisse dans nos vies, et dans la vie de ceux qui nous entourent et dans le monde. N’hésitons pas à semer nos graines. Nul besoin de faire de grandes choses, c’est Dieu qui fait « grand » nos petites actions.

« Qu’il dorme ou qu’il veille… »

« Contemplatif » ou « activiste » ? Certainement un peu des deux, mais surtout pas « indifférent » ou « seulement préoccupé par son bien être personnel ».

Bénissons Dieu pour le royaume qu’il fait croître à partir de notre témoignage. Prenons part à cette belle mission, afin qu’au dernier jour, nous soyons heureux de nous présenter devant Lui.

Pasteur Joël Mikaélian 13/06/2021